L’opposant sénégalais Ousmane Sonko et son second, Bassirou Diomaye Faye, candidat à la présidentielle, sont sortis de prison jeudi soir, dix jours avant le premier tour prévu le 24 mars, provoquant la liesse de milliers de Dakarois descendus spontanément dans les rues de la capitale.
Ils sont sortis devant nous. Ça y est », se félicite, tard dans la nuit de jeudi 14 mars, un de leurs avocats, Me Cheikh Koureyssi Ba, alors qu’un 4X4 s’éloigne de la prison du cap Manuel au sein d’un cortège formé d’une foule considérable drainée par la nouvelle de la libération, peu avant minuit, d’Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye. Deux heures plus tard, alors que le cortège progresse lentement dans Dakar, Bassirou Diomaye Faye, tunique bleu ciel et casquette blanche, salue la foule en souriant depuis le toit ouvrant de sa voiture. Cette double libération intervient à dix jours du premier tour de l’élection présidentielle sénégalaise.
« On a vu votre soutien et votre solidarité. Nous sommes très contents », a-t-il lancé, avant d’ajouter : « Sonko est libre. » Il a annoncé la tenue d’une conférence de presse ce vendredi. Ousmane Sonko, remis également en liberté, n’était pas visible dans le convoi.
Acteur principal d’un bras de fer avec le pouvoir depuis 2021, Ousmane Sonko a été disqualifié de la présidentielle par le Conseil constitutionnel en janvier. Son camp, avec son assentiment, a désigné Bassirou Diomaye Faye comme candidat à sa place.
Foule en liesse
Un manifestant avec une photo du candidat présidentiel Bassirou Diomaye Faye alors qu’il célèbre la libération de ce dernier et du chef de l’opposition, Ousmane Sonko, à Dakar, le 14 mars 2024.
Cette sortie de prison, énième rebondissement de la saga Sonko, injecte un nouveau réactif aux effets inconnus dans la campagne électorale en cours. Le pouvoir d’entraînement communément prêté à Ousmane Sonko et sa popularité auprès des jeunes sont susceptibles d’influencer les dynamiques. Avant même la sortie de prison, dont la nouvelle s’est propagée comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, des foules de Dakarois sont descendus dans les rues pour célébrer, chanter et danser.
Voitures et piétons agitant des drapeaux sénégalais ont investi la route d’accès à la prison où les deux opposants étaient détenus. « Ñun Sonko lañu bëgg » (« Nous, c’est Sonko que nous aimons ») ont scandé leurs supporters en wolof près de la prison. Une foule compacte s’est pressée à proximité du domicile d’Ousmane Sonko, dans la cité Keur Gui, un autre quartier de la capitale, à quelques kilomètres de là. « C’est de la joie. C’est incroyable. Ils ont libéré Ousmane Sonko ! » exultait Mamadou.
Ousmane Sonko, 49 ans, fondateur et président du parti Pastef, était détenu depuis le 28 juillet 2023. Son arrestation parachevait plus de deux ans de rapport de force avec le gouvernement et la justice, qui a donné lieu à différents épisodes de heurts, de pillages et de saccages.
La libération d’Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye, qui incarnent pour beaucoup la rupture avec la présidence, était anticipée comme un évènement majeur depuis plusieurs jours après l’adoption, le 6 mars, d’une loi d’amnistie votée à l’instigation du chef de l’État.
Effet Sonko
Le Sénégal traversait alors une grave crise provoquée par le report de la présidentielle et Macky Sall disait rechercher l’apaisement autour de l’élection, après trois années d’agitation politique. On ignore si Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye ont été relâchés en vertu de la loi d’amnistie. Mais leur libération coïncide avec les délais de mise en application de la loi.
Ousmane Sonko a approuvé la candidature de son numéro deux, Bassirou Diomaye Faye. Le secrétaire général du Pastef était lui-même détenu depuis avril 2023. Il a été inculpé d’outrage à magistrat, diffamation et actes de nature à compromettre la paix publique, selon un de ses avocats, après la diffusion d’un message critique contre la justice dans le dossier Sonko.
Bien que beaucoup moins populaire, Bassirou Diomaye Faye, bénéficiant de l’effet Sonko, passe pour l’un des favoris de la présidentielle la plus ouverte depuis l’indépendance en 1960. Son camp a fait campagne sous le mot d’ordre: « Ousmane mooy Diomaye » (« Ousmane, c’est Diomaye » en wolof). Il réclamait la libération de Bassirou Diomaye Faye au nom de l’égalité des chances entre candidats. Bassirou Diomaye Faye a été empêché jusqu’alors d’enregistrer ses messages de campagne pour la télévision publique, à la différence des autres concurrents.
Le programme de Bassirou Diomaye Faye décline les thèmes du discours souverainiste et panafricaniste de Sonko, qui, avec ses diatribes contre « la mafia d’État », les multinationales et l’emprise économique et politique exercée selon lui par l’ancienne puissance coloniale française, ont fait le succès du Pastef.
J A