Des tirs ont été entendus lundi 27 janvier jusqu’au centre-ville de la capitale du Nord-Kivu, le groupe M23 et des effectifs des forces spéciales rwandaises étant présents dans plusieurs quartiers de Goma. La veille, le secrétaire général des Nations unies António Guterres a directement mis en cause Kigali après une nouvelle journée de combats dans l’est de la RDC. Une réunion d’urgence de la Communauté d’Afrique de l’Est devrait avoir lieu « dans les prochaines 48 heures », en présence des présidents de la RDC et du Rwanda.
Des agents de sécurité rwandais escortent des membres des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) qui se seraient rendus aux forces rwandaises, à Gisenyi, au Rwanda, le 27 janvier 2025. Selon Kigali, des militaires congolais auraient déposé les armes à la suite de combats entre le groupe M23 et les FARDC.
Alors que la situation ne cesse d’évoluer, des tirs sont actuellement entendus aux environs du camp de Mugunga. Vers Sake, où se concentraient les affrontements ces derniers jours, la situation est plus calme : les forces de la Communauté de développement de l’Afrique australe (Sadc) y sont positionnées.
Certains membres des FARDC, ainsi que leurs alliés wazalendo qui ont combattu ces derniers jours, sont toujours dans Goma. Près d’une centaine se sont rendus à la base de la Monusco. D’autres se seraient également rendus à l’armée rwandaise, affirme le porte-parole de l’armée de Paul Kagamé, une information que RFI n’a pas pu confirmer de source indépendante.
Ce matin, les autorités rwandaises ont également positionné des bus du coté rwandais de la frontière pour permettre d’évacuer le personnel des Nations unis encore présents à Goma. Pour le reste de la population, la frontière reste fermée.
En plus des évasions de la principale prison de la ville, des témoins rapportent une grande confusion à Goma avec des scènes de pillage.
Ici, des soldats uruguayens de la force des Nations unies Monusco reçoivent des soldats congolais qui rendent leurs armes à la capitale du Nord-Kivu Goma, le 26 janvier 2025. © Armée uruguayenne / via AFP
Le gouvernement de la RDC confirme « la présence de l’armée rwandaise » à Goma
Dans sa première prise de parole lundi 27 janvier, le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication Patrick Muyaya a appelé la « population de Goma » à « rester à l’abri, à la maison », « s’abstenir de commettre des actes de vandalisme et de pillage », ainsi qu’à « barrer la route à la propagande manipulatrice du Rwanda ».
Dans son tweet, le ministre confirme « la présence de l’armée rwandaise » dans « la ville de Goma » et martèle que « le gouvernement continue de travailler pour éviter le carnage et les pertes en vies humaines ».
« Deux minutes, c’est calme, puis deux minutes, c’est chaud, et cela continue d’être chaud chaque seconde »
À Goma, le million d’habitants et les 700 000 réfugiés, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), vivent dans la peur et le sentiment d’abandon. Ceux qui n’ont pas quitté la ville, restent cachés dans les maisons, voire sous les lits pour éviter les balles perdues, racontent-ils.
« La tension est palpable, la peur est visible dans le regard de tout le monde, on ne sait pas ce qui va se passer, explique un gomatracien. Il y a des échanges de tir, parfois d’armes lourdes, il y a la présence des groupes armés qui sont dans la ville. »
Toute la nuit de dimanche à lundi, les habitants ont entendu des tirs sporadiques d’armes automatiques. Les habitants s’inquiètent particulièrement pour les blessés, car « Il y a aussi des victimes qui succombent malheureusement de ses blessures à la suite de balles perdues », témoigne un habitant.
Isolés, cet habitant du centre-ville est tout simplement inquiet et souhaite la fin des hostilités : « pendant deux minutes, c’est calme, puis pendant deux minutes, c’est chaud et cela continue d’être chaud chaque seconde. Ce qui empire la situation sont les bombes. Ici, c’est la ville, il y a des bâtiments. Donc, nous sommes dans une très mauvaise situation. On aimerait bien qu’il y ait un cessez-le-feu. »
Autant d’inquiétudes pour les habitants qui vivent déjà sans électricité et sans eau depuis la fin de semaine dernière.
Des tirs entendus près de la frontière, mais pas de combats
Selon nos informations, il n’y a pas de combats en cours, même si des tirs sont entendus, notamment en centre-ville et du côté de la frontière avec le Rwanda. Des scènes de pillages ont également été signalées.
À l’ouest de la ville, sur l’axe qui relie Goma à Sake, des militaires FARDC et les forces internationales de l’ONU et de la Communauté de développement d’Afrique australe (Sadec) sont toujours présents. Cela sans qu’il y ait des combats. C’est là où se situait le principal front ces derniers jours.
Fermeture de la frontière à Goma entre la RDC et le Rwanda
La frontière à Goma séparant la RDC et le Rwanda « est fermée », a indiqué à RFI une source consulaire européenne, confirmant l’information de témoins. « Personne n’entre, personne ne sort, à part quelques personnels de l’ONU et leurs familles évacués ce matin », a ajouté à l’AFP un travailleur humanitaire présent au principal point de passage entre la RDC et le Rwanda.
Depuis l’intensification des tirs et des combats à Goma, de nombreux habitants ont tenté de traverser la frontière pour fuir le conflit.
Des agents de sécurité rwandais escortent le personnel humanitaire qui fuit Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo, à la suite des combats entre les rebelles du M23 et les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), à Gisenyi, au Rwanda, le 27 janvier 2025. © Reuters
Dans une déclaration lundi, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a indiqué que Paris « condamne fermement l’offensive menée par le M23, soutenu par les Forces armées rwandaises » dans l’est de la République démocratique du Congo. « La France exprime sa solidarité à l’égard de la République démocratique du Congo, de son intégrité territoriale. (…) Les combats doivent cesser et le dialogue doit reprendre », a exhorté M. Barrot à Bruxelles, avant un conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne.
Confusion à Goma, des tirs nourris et évasion à la prison de Munzenze
Selon nos informations, des combattants du M23 et des membres des forces spéciales rwandaises sont présents dans certains quartiers de Goma, notamment au niveau de l’aéroport, dans le quartier nord de la capitale du Nord-Kivu. Ils occupent également certaines positions, comme l’aéroport ou le Mont Goma, où se trouve l’antenne provinciale de la télévision nationale. Les hommes des forces armées de la RDC (FARDC) et leurs alliés Wazalendo sont encore présents dans la ville.
Dimanche et lundi matin, des tirs sont entendus, y compris en centre-ville.
Une évasion a eu lieu à la prison de Goma : la prison de Munzenze, qui compte environ 3 000 détenus, a été « totalement incendiée » à la suite d’une « évasion massive », selon une source sécuritaire à l’AFP. Selon notre correspondant à Kinshasa, Pascal Mulegwa, « au moins 13 détenus, en majorité des femmes et deux enfants sont morts lors de l’évasion et l’incendie d’une partie de la prison ».
Des prisonniers en fuite ont été aperçus dans les rues alentours, a constaté une journaliste de l’AFP.
Il n’y a pas de communication officielle des autorités congolaises pour le moment.
Les habitants sont terrés chez eux, l’eau et l’électricité sont coupées. Dimanche déjà, dans l’après-midi, des tirs d’armes automatiques étaient entendus dans la ville, comme nous le raconte cet habitant.
Des bus sont positionnés à la frontière rwandaise, prêts à évacuer des personnels de l’ONU et leurs familles venant de Goma, selon la TV publique rwandaise RBA, rapporte l’Agence France presse. « Les membres du personnel de l’ONU et leurs familles qui ont travaillé en RDC » sont en cours d’évacuation de Goma, avec des bus à la frontière « en attente pour les transporter vers Kigali, où ils embarqueront sur des vols vers leurs pays respectifs », a indiqué RBA sur X. Il n’y a pas d’agents de l’immigration à la frontière, selon nos informations.
Dimanche, la responsable de la mission de l’ONU en RDC Bintou Keita participait dimanche à la réunion du Conseil de sécurité consacrée à la situation en RDC. Elle y signalait que l’aéroport n’était plus fonctionnel pour des évacuations ou pour des opérations humanitaires. Les routes menant à Goma sont également coupées, affirme-t-elle.
Le président kényan William Ruto a annoncé dans un communiqué réunir « dans les prochaines 48 heures » un sommet extraordinaire de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) en présence des présidents de la RDC Félix Tshisekedi et du Rwanda Paul Kagame.
Les habitants tentent de fuir la ville
L’intensification des combats dans la soirée près de Goma puis les tirs dans la ville ont également poussé des habitants de la capitale provinciale à traverser la frontière vers le Rwanda, dans la ville frontalière de Gisenyi, dans le district de Rubavu, où se trouve notre correspondante, Lucie Mouillaud.
Devant la Grande Barrière, Nathan et sa famille font partie des derniers habitants de Goma à traverser avant la fermeture de la frontière dimanche, en milieu d’après-midi : « Goma maintenant, c’est un champ désert, il n’y a plus de courant, il n’y a plus d’eau, la population fait du mieux possible pour pouvoir survivre. Les bombes se font entendre de plus en plus fort ! Il y a même des coups de feu, j’étais dans ma chambre et j’ai commencé à entendre des coups de feu. Je crois que c’est ce qui a alerté mon père pour qu’on puisse traverser et évacuer la ville. »
« La peur, elle est là, on laisse nos biens, je viens qu’avec mon petit sac et la famille. On a tout laissé là-bas, on est venu tel qu’on est là, on n’est pas stable. On ne sait pas combien de temps on va rester ici, on attend la situation. Dès qu’elle finit, on va retourner à Goma, c’est chez nous », témoigne Alain Hemedi qui a, lui aussi, quitté la ville.
Pour beaucoup, le passage de la frontière n’est qu’une étape avant de prendre la route pour rejoindre Bukavu ou d’autres villes au Burundi ou en Ouganda. « On ne peut qu’espérer, ce qu’on souhaite, c’est que la paix soit rétablie. On ne vit que de cela, depuis notre enfance, donc on espère que la paix soit rétablie, en tout cas, c’est le souhait de tout le monde », affirme Axel Cikomero, commerçant de Goma.
RFI