Deux cent soixante sept milliards de francs guinéens. C’est le montant qui serait détourné par Mohamed Doussou Traoré (en photo), connu sous les sobriquets Ouattara ou Watara, directeur général du Patrimoine bâti public. Une somme qui dépasse l’entendement, même dans un contexte où les scandales financiers à répétition sont devenus monnaie courante et atteignent les 1000 milliards, à la Douane ou aux Impôts.
Certes, les détournements de fonds publics ne sont pas rares en Guinée ces derniers temps, le plus petit montant reproché étant apparemment celui de l’OGP, en attendant de sérieuses investigations, avec quelques 78 milliards, mais parvenir à siphonner frauduleusement 267 milliards des caisses publiques relève d’un exploit hors normes, ou d’une faillite totale des mécanismes de contrôle et de surveillance.
Le Patrimoine bâti public, un service stratégique chargé de gérer et de percevoir les revenus locatifs des domaines bâtis de l’État, y compris des sites emblématiques comme la Cité des chemins de fer, est en principe soumis à des audits et contrôles rigoureux réguliers. Mais comment expliquer qu’une telle somme ait pu disparaître sans que personne ne s’en aperçoive ou ne veuille voir ? Une telle opération ne peut s’exécuter sans complicités actives dans la chaîne de dépenses, allant des cadres intermédiaires aux plus hautes sphères du ministère de l’Économie et des Finances.
Malheureusement, sentant son arrestation venir, ou prévenu par d’éventuels complices, Mohamed Doussou Traoré aurait pris la poudre d’escampette vers la Côte d’Ivoire, un pays où il a longtemps résidé. Cette destination n’est pas anodine, si elle s’avérait. La Côte d’Ivoire, dirigée par Alassane Ouattara (homonyme de Mohamed Doussou Ouattara ?), est devenue, ces dernières années, un asile pour de nombreux individus en délicatesse avec les lois de leur pays, surtout dans des contextes de régimes militaires en Afrique de l’Ouest, comme en Guinée, au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
L’hypothèse qu’il s’y proclame réfugié politique pour échapper aux poursuites d’Interpol n’est donc pas à écarter. Ce stratagème est bien connu : il offre aux délinquants financiers une couverture pseudo-juridique tout en leur permettant de profiter de leurs avoirs mal acquis. Si Mohamed Doussou Traoré a choisi ce pays, il y aurait sans doute transféré une partie de sa part des 267 milliards, profitant du système bancaire pour dissimuler ses traces. Sa part, car il est évident qu’un tel détournement, dans la plus totale discrétion, étalé sur plusieurs mois voire années, n’a pu être orchestré par une seule personne, nommée le 21 janvier 2022.
L’enquête devrait alors s’intéresser à toute la chaîne de responsabilité, depuis les services financiers du Patrimoine bâti public jusqu’aux instances de contrôle au sein du ministère de l’Économie et des finances. Une simple intervention de l’Agence nationale de lutte contre la corruption ou de la CRIEF — malgré ses insuffisances notoires — pourrait démêler aisément les sombres rouages de ce réseau.
Le cas de Mohamed Doussou Traoré, le dernier en date des scandales révélés, devrait amener la Guinée à renforcer l’intégrité de ses finances publiques et restaurer la confiance des citoyens. Elle se doit de poursuivre ce dossier avec fermeté, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières. Ainsi, la collaboration avec Interpol et les autorités ivoiriennes est déterminante pour obtenir l’extradition de Mohamed Doussou Traoré alias Ouattara ou Watara et confondre ses complices intérieurs.
Abou Maco