Élection de Trump: des réactions et des souvenirs mitigés en Afrique

Politique

On se rappelle tous des propos désobligeants tenus par Donald Trump lors de son passage à la Maison Blanche. Il avait alors qualifié Haïti et les nations africaines de « pays de merde ». Ce qui avait suscité l’indignation sur le continent.

Mais hormis cet incident, le président Donald Trump avait montré peu d’intérêt pour l’Afrique. Lors de son premier mandat de 2016 à 2020, Donald Trump n’y a effectué aucune visite officielle, contrairement à ses prédécesseurs. Le président Barack Obama lui a visité 7 pays africains, le républicain Georges W. Bush lui en a visité 11.

Même les membres de l’administration Trump se sont peu déplacés sur le continent. Son principal secrétaire d’État, Mike Pompeo, n’a effectué qu’un voyage au Sénégal et en Éthiopie, en toute fin du premier mandat de Donald Trump.

Un peu par obligation, disaient certains chercheurs, pour tenter de contrer la concurrence chinoise, notamment économique. Et pourtant, malgré ce manque d’intérêt affiché de Donald Trump, la politique africaine de son administration s’est inscrite dans la continuité. Comme par le passé, il a surtout été question de stimuler l’investissement et d’accentuer les échanges commerciaux avec l’Afrique. D’ailleurs, durant sa présidence, Donald Trump a maintenu les budgets alloués à l’Afrique.

La continuité aura été également sur le plan sécuritaire, où l’administration Trump a maintenu son soutien à plusieurs pays dans leur lutte contre la menace djihadiste, tout réduisant sensiblement la présence militaire américaine sur le continent.

Une « belle victoire » pour Félix Tshisekedi

Il y a toutefois nombreuses réactions dès ce mercredi matin sur tout le continent africains, des félicitations à Donald Trump du président nigérian Bola Tinubu, du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, du président burundais Evariste Ndayishimiye. À Kinshasa, Félix Tshisekedi, président de la RDC, a salué cette élection en parlant d’une « belle victoire », rapporte Patient Ligodi, notre correspondant. 

Le chef de l’État congolais s’est dit prêt à collaborer avec le nouveau président américain élu et à renforcer ce qu’il qualifie de partenariat stratégique entre la RDC et les États-Unis, des pays qui, selon lui, « entretiennent déjà de bonnes relations amicales et de coopération ». L’entourage de Félix Tshisekedi a également exprimé l’espoir d’une implication accrue des États-Unis dans la recherche de la paix dans l’Est de la RDC. « Nous allons travailler avec la nouvelle équipe par rapport à la situation dans la partie est pour des solutions durables […]. Et le président Trump a été clair là-dessus, il va mettre fin aux guerres qui existent », explique Tina Salama, porte-parole du président Tshisekedi. 

De leur côté, peu de médias congolais ont, jusqu’à présent, couvert l’élection américaine de manière approfondie. Les plateaux de télévision sont restés discrets. Peu d’experts étaient invités à commenter le scrutin américain.  C’est sur les réseaux sociaux que l’engouement pour les élections américaines est le plus visible. 

Sur les réseaux sociaux congolais, le débat se focalise sur la figure de Donald Trump, suscitant commentaires, débats et parfois même des memes humoristiques. Ce matin, dans les taxis bus de Kinshasa, les discussions allaient bon train sur le scrutin. Certains passagers échangeaient leurs opinions sur Trump, débattant de sa personnalité flamboyante.

Des conséquences économiques négatives en Afrique du Sud ?

Le président sud-africain a félicité Donald Trump, même si ce résultat n’est pas forcément de bon augure pour le pays.  Dans son message, Cyril Ramaphosa espère que la « collaboration étroite et mutuellement bénéfique » entre les deux nations pourra continuer, et souhaite travailler de concert avec le gouvernement américain alors que l’Afrique du Sud puis les États-Unis accueilleront le G20 en 2025 et 2026, rapporte Claire Bargelès, notre correspondante à Johannesburg. 

Cependant, le pays ne garde pas vraiment de bons souvenirs de Donald Trump. Avant son premier mandat, il affirmait sur ses réseaux sociaux que la nation arc-en-ciel était un pays « ravagé par le crime », ou encore un « bazar total et très dangereux ». Puis, une fois au pouvoir, il a entrepris de dénoncer qu’il appelle la « confiscation des terres aux fermiers blancs », surfant sur les théories de génocide des blancs aussi partagées par Elon Musk.

Cela a poussé la présidence sud-africaine à condamner des propos « malheureux et mal informés ». Les résultats de ces élections ne devraient donc pas, a priori, faciliter les relations entre les deux pays.

Cette élection pourrait même avoir des conséquences négatives sur le plan économique, pour l’Afrique du Sud. Le rand, la monnaie sud-africaine, a d’ailleurs connu une baisse significative, ce matin. Et cela pourrait continuer, selon les analystes, en raison de l’incertitude qui entoure les futures politiques de Donald Trump.

Le bras de fer avec la Chine devrait aussi avoir des conséquences, puisque Pékin est le premier partenaire commercial de Pretoria, juste devant Washington. Enfin, le nouveau programme protectionniste de Donald Trump pourrait directement toucher l’Afrique du Sud, mal vue par certains Républicains en raison de ses liens avec les Brics et de son soutien à la cause palestinienne.

À voir aussi ce que deviendront ses avantages liés à l’Agoa, cet accord qui permet d’exporter des produits africains vers les États-Unis sans droits de douane, et qui profite à des secteurs sud-africains comme le matériel automobile, les produits chimiques, et des produits agricoles comme les agrumes, ou le vin.

Au Sénégal, du fatalisme et pas de craintes particulières

Les félicitations officielles à Donald Trump sont venues ce matin du président bissau-guinéen. Oumarou Cissoco Emballo souhaite plein succès à Donald Trump pour son mandat et dit se réjouir de renforcer avec lui les relations entre les deux pays.

 Au Sénégal, un partenaire diplomatique important pour les États-Unis au vu de sa stabilité dans la région, le président sénégalais a adressé ses félicitations à Donald Trump dans l’après-midi.  « J’ai à cœur de renforcer la coopération entre nos deux pays et d’œuvrer ensemble pour la paix, la prospérité et le respect des valeurs que nous avons en partage », a-t-il dit, sur le réseau social Twitter.

Le camp présidentiel est en pleine campagne pour des législatives cruciales pour décrocher une majorité à l’Assemblée, c’est peut-être la raison de ce retard. En attendant, du côté de militants et de sympathisants du parti au pouvoir, on accueille cette victoire avec fatalisme et sans crainte particulière, rapporte Léa-Lisa Westerhoff, notre correspondante à Dakar.

En 2016, il y avait une certaine inquiétude, a confié à RFI un membre du FRAPP, ce mouvement anti-impérialiste proche du parti au pouvoir, le Pastef. L’inquiétude de voir le discours nationaliste et raciste de Donald Trump prendre au Sénégal par exemple.

Mais aujourd’hui, disait ce militant, « on sait à qui on a affaire. On sait qu’il n’y a pas d’attentes à avoir en termes de solidarité internationale, mais pas non plus d’animosité vis-à-vis du Sénégal ».

L’analyse similaire du côté du professeur en civilisation américaine, Ousmane Sène.  La première élection de Donald Trump en 2016 n’a pas bouleversé la relation entre le Sénégal et les États-Unis.

Les programmes de développement américains à destination du Sénégal sont restés les mêmes, tout comme la relation diplomatique qui est bonne. Il faut dire que Les États-Unis ne sont pas un investisseur ou partenaire commercial majeur du Sénégal. Le pays reste loin derrière l’Europe, la Chine ou la Turquie.

La crainte est plutôt au niveau géopolitique, que Donald Trump puisse s’opposer, par exemple, à la demande de l’Afrique d’avoir un ou deux sièges permanents aux Nations unies, alors que Joe Biden lui était d’accord, ou encore que Trump puisse sortir de l’accord sur le climat. Des décisions qui par ricochets auraient des conséquences négatives pour l’Afrique.

 « Le programme de Donald Trump va toucher à l’immigration »

Pour les Africains installés aux États-Unis ayant une sensibilité démocrate, l’annonce de la victoire de Donald Trump a été un véritable coup de massue. La réaction de Mamadou Baldé, ressortissant guinéo-américain joint par Welly Diallo, du service Afrique de RFI, en atteste. « Je suis déçu, c’est un sentiment de frustration parce que le programme de Donald Trump va toucher à l’immigration. Il va “fatiguer” beaucoup les immigrés et surtout les sans-papiers, ceux qui sont venus par la frontière de Nicaragua. Il avait promis qu’il va rapatrier beaucoup de monde », estime-t-il.  « Là, c’est un sentiment de frustration. On est très inquiets. C’est mon sentiment et on aurait voulu que ça soit cette dame, Kamala Harris. Avec les immigrés, il y aurait eu beaucoup de concessions, beaucoup d’arrangements. Mais avec Donald Trump, la situation commence à être compliquée. Tout le monde a peur ici. Je suis à New York. New York, vit 24 heures sur 24. Mais aujourd’hui, c’est comme si c’était une ville morte. »

 Aliou, Sénégalais, fait partie de ces 60 000 Africains avoir tenté l’aventure en passant par la route migratoire du Nicaragua qui a assoupli sa politique de visa en 2021. Depuis l’annonce des résultats, c’est la peur qui domine : « Donald Trump a dit que quand il serait président, il allait tous nous sortir du pays. C’est pourquoi nous avons peur. »

Une peur qui s’étend et touche même les immigrés légaux, comme les étudiants internationaux. Face à la complexité administrative qui existe déjà, et le risque qu’elle empire sous Trump, Maryam Diallo, étudiante burkinabè, ne cache pas sa peur de l’avenir : « C’est très facile de devenir un immigrant illégal aux États-Unis. C’est ça qui nous fait peur, parce que de plus en plus, les lois sont inhumaines envers les gens vivant ici. Tous les jours, il y a cette peur de devenir un immigrant illégal et devoir retourner chez nous. »

Lors de son premier mandat, l’un de ses premiers décrets présidentiels avait interdit toute entrée sur le territoire américain aux ressortissants de sept pays, dont la Somalie ou le Soudan.

RFI

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